C’est bien après mes études au lycée d’Orthez que j'ai pris conscience que l’histoire était finalement une matière vivante. Et d’autant plus vivante d’ailleurs que l’on s'intéresse à des époques plus reculées. Je m’en suis encore davantage convaincu en découvrant récemment une carte de mon village, Arthez de Béarn, signée d'un "Ingénieur du Roy en chef" en 1783. Sans aucune prétention, en particulier par rapport à quelques possibles experts bien plus au fait de l’histoire locale, je me suis laissé enthousiasmer à y pointer un certain nombre de détails qui ont su exciter ma curiosité tout comme mon imagination.
les voies de communication
Le tracé de l’époque de l’accès sud du village différait radicalement de celui de la RD31 actuelle. En venant d’Arance, la voie ancienne semble coïncider, aujourd’hui, avec la route du Foirail qui mène au complexe de sports et de loisirs, pour longer ensuite le pied de la butte de la Canarde, et remonter au village par le chemin de la Houn de Cacareigt pour rejoindre enfin le quartier Bergoué, voire à hauteur de l’actuel presbytère. Le tracé actuel de la RD31 ne serait donc pas le “tracé historique” naturel, bien qu’il corresponde de nos jours au tracé le plus court à flanc de colline. On le perçoit cependant en filigranes sur la carte de 1783, mais comme un sentier possible à travers champs.
Pour le reste, à l’intérieur du village, on perçoit bien sur le plan de 1783 les voies principales, mais aussi les chemins encore entretenus à ce jour, comme par exemple : côte de Bourroua, passage de Barrailh, chemins de Canaillou, de Baleich, de Poumata, du Bourdalat, du Bosc, du Palouqué et bien sûr le chemin de Ronde. Et puis, je devine un chemin qui plonge vers la cité Bourdalat, qui pourrait correspondre aujourd’hui à l’avenue des Pyrénées et au chemin de Grabiel. Nos chemins, un vrai patrimoine historique ! En prendre soin comme le font les services d’entretien est assurément une bonne politique, mais on pourrait probablement encore mieux le valoriser au plan touristique en l'inscrivant mieux dans l’Histoire.
les Formalagués et les Daudinot
Je n’avais jamais auparavant entendu parler du “bois de Formalagué”. Or il correspondrait à la butte de Canarde actuelle qui est une colline majeure dans le paysage local. Pourquoi ce nom s'est-il perdu ? De fait, était-ce une référence toponymique, ou le nom de la famille à qui appartenait ce bois ? Car, à bien y regarder, on trouve aussi, sur la carte de 1783, une maison “Formalag” sur la voie principale, aujourd’hui rue de Bergoué. Une rapide recherche bibliographique révèle que la famille Formalagué était déjà présente à Arthez de Béarn et environs, au XVI° siècle. Une famille alors protestante, semble-t-il, l’un au moins de ses membres ayant même été “ministre de la parole de Dieu” à Castillon.
Une famille Formalagué (ou Formalagués) qui semble avoir été puissante au cours des siècles à Arthez de Béarn, et dont le nom reste encore bien présent au XVIII° siècle comme le laisse à penser le récit de la vie de André-Pierre Daudinot, “issu d’une famille d’Arthez de Béarn, longtemps protestante et alliée aux Formalagues”. J’ai hâte d’en savoir plus sur ces anciennes familles arthéziennes, et il serait intéressant, s’il existe, qu’un sachant partage son savoir.
la croix de Badon
J'ai eu du mal à déchiffrer sur la carte de 1783 le nom inscrit au croisement de ce qui est aujourd’hui la route de Gouze avec le chemin du Bosc, là même où se dresse toujours une croix de chemin. Mais rapidement, plus de doute. Il s’agirait bien de “la croix de Badon”. En effet, il existe bien une légende associée au nom d’une telle croix. La bataille du mont Badon (Grande-Bretagne) aurait été une bataille remportée par les Bretons sur les Anglo-Saxons vers l'an 500. Selon la légende, au cours de cette bataille “le roi Arthur aurait porté sur ses épaules la croix du Seigneur Jésus-Christ pendant trois jours et trois nuits et les Bretons furent victorieux”. Et d’ailleurs, il est à remarquer que, à la différence des autres croix de chemin du secteur, la croix actuelle, sur ce même emplacement, est une croix simple et non un crucifix, ce qui correspond encore mieux à l’esprit de la légende. Mais pourquoi donc se référer à cette légende dans notre village ? Une quelconque relation avec notre passé protestant ? Et pourquoi son nom s’est-il ici effacé dans le temps ? Mystères à élucider !
“le charme d’un vieux village où il fait bon vivre aujourd´hui”
Voilà donc comment une simple carte peut nous amener à nous interroger sur l’histoire de notre communauté. Des pistes d’investigation s’ouvrent à moi pour mieux comprendre ce qui a mû nos anciens des siècles passés, et refaire vivre les événements marquants, peut-être structurants, de la collectivité. Au-delà de satisfaire une passion personnelle, il me semble que, aussi modeste puisse être l’Histoire de notre village, nous gagnerions tous à conscientiser notre identité collective. L’intérêt des tiers pour découvrir notre espace, voire venir y vivre, n’en serait que renforcé.
Jean-Michel Cabanes