Le centre-bourg de nos villages est souvent exigu et mal adapté aux nouveaux besoins d'infrastructures et à notre mode de vie. Faut-il alors construire progressivement un nouvel espace d'activités excentré, quitte à y perdre son âme et à sacrifier le charme de son village ?
----------
Manifestement, l’emplacement de notre maison de retraite constitue la différence majeure de programme entre les deux listes maintenant en présence pour ce second tour décisif de l'élection municipale d’Arthez de Béarn. Majeure, car elle a des conséquences structurelles et sociales fondamentales à l’échelle de notre village. Et donc, majeure car il en va de l’âme de notre centre bourg. De fait, l’enjeu me paraît moins le strict emplacement de cet Ehpad que la vision stratégique de la vie de notre cité qu’il nous faut établir et partager.
Fruit de l’histoire, notre village s’étend principalement sur une ligne de crête est/ouest, et en particulier son cœur historique, ses écoles, ses services de santé, ses administrations, ses commerces de proximité, ses espaces socio-culturels. Certes, dans le monde moderne, ou du moins celui du “monde d’avant” (…), l’usage de la voiture s'accommode de moins en moins d’espaces de circulation et stationnement exigus. Alors, en effet, la tentation est naturelle de vouloir excentrer les lieux recevant du public, dès lors qu’il s’agit de les rénover et/ou les étendre. D’autant que des terrains consacrés à l’agriculture peuvent être reconvertis, dans les quartiers nord et sud de la commune. C’est ainsi que s’y sont développés un complexe sportif, une zone d’activité industrielle, et il y a peu un supermarché.
En même temps, la disparition au fil du temps de nombre de ses commerces, a altéré l’animation du cœur de village comme un peu partout dans nos campagnes.
Alors, quand il faut décider de la rénovation nécessaire, voire de l’expansion, de la maison de retraite située en plein centre, une solution de facilité est de tout refaire à neuf, y compris changer d’emplacement et de l’excentrer à N’Haux, le quartier nord. Puis, une deuxième solution de facilité est de proposer, sans engagement concret et encore moins ferme, un établissement social de logement sur l’emplacement qui sera libéré.
En suivant une telle logique, après le supermarché et la maison de retraite, pourquoi pas d’autres équipements, par exemple un centre médical, un centre commercial, un centre socio-éducatif, etc., et petit à petit, un nouvel ensemble urbanistique “N´Haux ville-nouvelle”, aéré, moderne, spacieux, aseptisé, viendrait prendre la place de notre centre-bourg historique. À y perdre son âme !
Alternativement, proposer un maintien de la maison de retraite sur son emplacement actuel n’est qu’à moitié satisfaisant. Certes la rénovation reste possible mais complexe. L’expansion aussi en mettant probablement à profit la bâtisse attenante acquise par la municipalité … et à l’abandon depuis des années. Mais, cette nouvelle capacité de lits serait-elle comparable à celle du projet sur “N’Haux ville-nouvelle”, et à tout le moins suffisante ou évolutive pour satisfaire une demande croissante ?
Voilà donc à mes yeux une question essentielle pour notre collectivité. D’ailleurs que les partenaires institutionnels (Hôpital d’Orthez,Communauté de communes, Office 64 de l’habitat) soient en faveur de l’emplacement excentré est logique car il ne leur appartient pas de se préoccuper de l'impact du projet sur la vie du cœur de village. C’est bien là évidemment la responsabilité entière et unique de la municipalité. À travers cette question du devenir de la maison de retraite, interrogeons-nous donc surtout sur le devenir de notre vie de village, de son urbanisme, prenons conscience et essayons d’évaluer la richesse de notre style de vie locale, un vrai patrimoine social, comment faire pour ne rien en perdre encore. Le risque est grand de le détruire, il suffit de se promener dans des villages et villes moyennes à proximité pour s’en convaincre et s’en désoler à la fois.
Alors, soyons créatifs ! Inspirons-nous de ces villages, confrontés au même type de problème et qui ont su penser et réaménager leur centre-bourg pour en faire un lieu de vie, générateur de lien social. La tâche est probablement complexe, mais assurément palpitante. Ayons l’audace d’être ambitieux ! Et puis, être sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle doit aider à trouver des idées originales !
Je veux croire aussi au “monde d’après”. Le confinement de crise que nous avons vécu nous oblige encore plus à reconsidérer notre rapport au monde, à la nature, à notre histoire. Et je ne perçois rien de substantiel en ce sens dans la campagne municipale en cours. Je le regrette. Comme le temps va manquer d’ici le 28 juin, il me paraîtrait pertinent que la future équipe municipale organise et propose à l’ensemble des Arthéziens une telle réflexion, en toute sérénité et d’ici fin de l’année.
Dans ces conditions, pour ce qui concerne la maison de retraite, je suis partisan du statu quo, dans l’attente de dégager cette vision réaliste et réellement engageante de moyen terme sur les infrastructures locales que nous souhaitons garder en centre bourg et, par voie de conséquence, celles qui peuvent être excentrées.
“N’Haux ville-nouvelle” peut attendre.
Jean-Michel Cabanes