Et voilà, questionnaire Fenics rempli et transmis ! Un bon support de réflexion pour le diagnostic, mais aussi se projeter avec une baguette magique dans le futur que chacun peut souhaiter pour revitaliser notre commune, Arthez de Béarn. Au-delà du simple formulaire, il m'apparaît vraiment intéressant d’approfondir l’exercice et de structurer mes idées et mes propositions sur ce sujet, comme tout un chacun y est invité dans le cadre de ce processus.
une démarche-clé
Félicitons-nous d’abord de pouvoir bénéficier de cette démarche participative Fenics (“filière économique nouvelle pour l’innovation dans la construction et le social”) pilotée par le département des Pyrénées-Atlantiques. Elle vise à la production d'un plan d'actions concrètes, pour gagner en visibilité et en faisabilité sur les questions de développement et de vitalité du village. Je comprends bien que la réalisation du plan d’actions n’entre pas dans le cadre de cette démarche. Mais cela ne retire rien à la pertinence du processus. Il est en effet fondamental de bien définir un projet avant de l’entreprendre, c’est même une étape-clé !
Le succès de la méthode Fenics repose sur deux composantes majeures : une forte implication des habitants, d’une part, et la mobilisation de divers experts en développement territorial (caue64, EPFL Béarn Pyrénées, audap, AADT64) sous l’égide du département, d’autre part.
diagnostic
Puisque le projet vise à “revitaliser le village”, on semble donc partager au moins le constat d’un centre-bourg plongé dans la torpeur. Encore faut-il préciser.
“Torpeur ambiante” ne sous-entend évidemment pas dénigrer ni minimiser la contribution des animations qui viennent plus ou moins régulièrement égayer les soirées au centre-bourg, que ce soit, par exemple, des pièces de théâtre, des concerts, ou autres initiatives culturelles, voire des manifestations populaires organisées par des associations. Aucun doute que nous devons nous réjouir de telles initiatives, mais il n’en demeure pas moins que, même si elles sont à valoriser et à encore plus encourager, elles ne suffisent pas à vaincre la “torpeur ambiante”... sinon on n’en serait pas à chercher à “revitaliser le village” !
“Torpeur ambiante” se référerait plutôt à l’absence dans la journée, dans cet espace public central, de mouvements de personnes, d’allers et venues, d’opportunités d'échanges, de brassage de la population de tous âges, etc. Seule de nos jours la tenue du marché, le samedi matin, participerait, et encore en partie, à combler ce vide, me semble-t-il, ainsi que dans une moindre mesure la messe du samedi soir. D’ailleurs, un demi-siècle en arrière, le dimanche, déjà la “messe de onze heures” et le tiercé à composter au bar avant la mi-journée contribuaient-ils significativement à la vie sociale locale, tout comme les avants et après matchs des équipes locales pendant la fin de semaine.
Il est évident aussi que la disparition de petits commerces (nb. pas moins de cinq épiceries / alimentation générale sur la rue principale dans les années ‘60) était inéluctable, tout comme celle de nombreux cafés (cf. arthezmonvillage.fr/ "les bistrots d'antan !").
Mais, en réalité, je ne crois pas que les changements de mode de vie soient à l’origine de cette déshérence globale, mais plutôt l’absence d’adaptation à ces changements. Bien sûr, il est plus facile d’en prendre conscience a posteriori que pendant le cours des événements. Il ne s’agit donc pas ici d’incriminer le manque de réactions ou les choix des équipes en charge de la commune au fil du temps, bien occupées alors sur d’autres sujets vus prioritaires. Mais tout simplement ici de constater deux points :
- il n’y a aucun sens à imaginer un retour en arrière, les conditions sociétales actuelles n’ayant plus rien à voir avec “le monde d’avant”, que l’on peut d’ailleurs avoir tendance à souvent magnifier ;
- il n’y a pas de sinistre fatalité pour la vie d’un village de campagne comme le nôtre, pour autant que l’on ne craigne pas des solutions “en rupture” par rapport à la routine qui endort de plus en plus ce village que l’on veut maintenant “revitaliser”.
“la voiture m’a tuer !”
En guise de transition entre diagnostic et suggestions, il me semble nécessaire de consacrer un paragraphe spécifique à la place de la voiture dans notre cité. J’ai déjà eu l’occasion de préciser mon analyse, en juillet dernier, dans ma tribune mon village "drive-in". Par des raisonnements, à mon sens, erronés on a pu et on persiste à considérer que le confort de la vie moderne impose de réserver une place prioritaire à la voiture dans l’organisation de la cité.
C’est ainsi que, par exemple, on a remplacé il y a quelques années une halle de l’hypercentre par un parking supplémentaire et, encore aujourd'hui, destiné un nouvel espace libéré face au collège à en faire aussi un parking ! … En parallèle, des espaces de jeu pour enfants ont certes été mis en place, mais dans le complexe de loisirs situé à bonne distance et bien en contrebas du centre-bourg.
Y’a pas de mystères. En privilégiant la voiture, on a ainsi asséché des opportunités d'équipement pour la collectivité dans son ensemble, voire par tranches d’âge, et contribué à l’agonie prévisible du village … “la voiture m’a tuer”.
un centre-bourg revitalisé
Personnellement je reste convaincu que, sans mesures radicales, on ne sortira pas de cette “torpeur ambiante”. À ce stade, je vois deux priorités.
Premièrement, il me semble indispensable de repenser la gestion des flux et de l’espace.
Avant toute chose, le secteur entre la place du Temple et la place du Palais gagnerait à être transformé, pendant la journée, en espace pour piétons et vélos. En toute cohérence, il serait alors opportun d’aménager le long de la Carrère des zones de déplacement adaptées aux personnes à mobilité réduite, comme par exemple des surfaces d’une grande planéité, et aussi du mobilier urbain adapté tels des bancs. Tout comme d’implanter dans ce secteur un espace de jeu pour les plus petits, par exemple, et pourquoi pas y déplacer l’école de musique ? (nb. je concède que sur ce dernier point il faudrait franchir un pas substantiel en matière de patrimoine immobilier de la commune, mais ce n’est pas à ce stade une raison pour se limiter dans les suggestions). Je me réjouis alors aussi à imaginer cette zone piétonnière animée par le marché du samedi matin, et les sorties sans barrières en fin de journée des enfants de l'école Saint Joseph libres de courir et jouer.
Par ailleurs, sur l’ensemble du centre du village (une fois franchis les panneaux d’entrée dans le village) je suggérerais de limiter la vitesse de circulation à 30 km/h, tout comme le font de plus en plus de villes en France, à la fois pour des raisons élémentaires de sécurité, de protection de l’environnement et de sérénité accrue tout simplement. Sur l’axe est/ouest cette mesure contribuerait à renforcer la sécurité des piétons, pèlerins en grand nombre, et donc le plaisir à déambuler. Sur l’axe nord/sud, une telle disposition serait tout à fait à la hauteur du problème majeur de la circulation des camions qui perturbe notre tranquillité…
Quant à la gestion de l’utilisation de la voiture dans le centre du village, et de facto du stationnement, qui en résulterait, je suis confiant dans la capacité des habitants à adapter leurs comportements en conséquence, comme tous nos autres concitoyens concernés par des schémas similaires.
Enfin, en matière de flux de communication, on ne peut ignorer la nécessité d’une zone wifi, un incontournable de la modernité sur tout notre hypercentre.
La deuxième priorité vise à mieux révéler le charme de notre cité, valoriser son patrimoine, et revendiquer notre ruralité.
Notre patrimoine recouvre les vieilles pierres comme nos chapelles, ou maisons sur la Carrère, mais aussi nos chemins communaux, et, au plan immatériel, le chemin de Saint Jacques qui traverse notre territoire.
L'embellissement des façades relève bien entendu du domaine privé, mais gageons qu’avec un centre-bourg revitalisé, voire des aides ponctuelles, leurs propriétaires pourraient être plus enclins à engager les travaux…
Nos chemins communaux, dont j’apprécie sans limite la qualité de l'entretien par les équipes municipales (cf. ma tribune ces petits chemins...), sont un vrai atout d'ordre touristique. Il se pourrait bien cependant que, depuis le centre du village, on puisse mieux les mettre en exergue pour inviter à les parcourir que la signalétique actuelle. De même, pour ce qui concerne le chemin de Saint Jacques, j’ai le sentiment que nous avons là un atout touristique majeur, mais qu’il nous manque le savoir-faire pour en tirer tout le potentiel en matière d’animation locale.
Révéler davantage le charme de notre cité passe d’abord, en la déplorant, par une prise de conscience de la dominante des tons noir, gris, blanc de notre artère principale, une “trouée grise”, comme on peut la voir depuis la place Donis vers l’est, jusqu’à atteindre la rue Bourdalat, à l'autre extrémité. Des solutions de végétalisation au-delà des pots de fleurs suspendus me paraîtraient a minima nécessaires pour commencer à y remédier. D’ailleurs, dans un schéma d’hypercentre piétonnier, on pourrait même y envisager une végétalisation au sol significative.
Enfin, pour un village de campagne, revendiquer notre ruralité relève tant du sentiment de fierté d'appartenance, que d'un sain opportunisme économique. Le projet d’installation d’un “comptoir de producteurs de l’agriculture raisonnée et de proximité” au centre du village, tout comme celui d’un gite-étape pour pèlerins accompagnés de chevaux, tel que promus lors de la campagne municipale dernière, me séduisent toujours autant.
En poussant mon imagination, je me plais à voir sur la Carrère un atelier artisanal / centre de formation sur un thème à définir, comme par exemple, le travail du bois, ou les outils traditionnels des métiers de la terre et de l’élevage (cf. ma tribune mais où sont donc passées les vaches ?).
“le charme d’un vieux village où il fait bon vivre aujourd´hui”
Qu’il est doux de se laisser emporter par ses rêves… et pourtant, “c'est justement la possibilité de réaliser un rêve qui rend la vie intéressante” (Paolo Coelho). Le mien ici, grâce à Fenics et ses équipes d'experts, c’est de connaître avec encore plus d’intensité le charme d’un vieux village où il fait bon vivre aujourd´hui.
Jean-Michel Cabanes