En ces temps de confinement volontaire ou imposé, pouvoir profiter de balades bucoliques à proximité de chez soi relève du privilège. Ainsi en est-il quand on vit dans un village comme le mien, Arthez de Béarn, doté d’un réseau de chemins communaux, certains goudronnés en milieu urbain, d’autres sillonnant la nature. Ces derniers pour la plupart m’étaient inconnus jusqu’à ces dernières semaines, et quel bonheur de les découvrir ! Leur charme vous envoûte même jusqu’à vous inviter à voyager dans le passé.
Il se peut bien que le chemin de ronde au centre-bourg même, avec son tronçon nord comme une veinule dans un sous-bois ait servi au Moyen-âge aux sentinelles pour protéger les villageois des maraudeurs.
Le grand nombre de chemins qui se réfèrent à des fontaines ou des sources (“houn” en béarnais), comme par exemple le chemin de la houn dou hau, rappelle une des raisons principales du développement du village à l’époque médiévale : l’abondance de l’eau sur cette colline où le village s'est développé. Et puis même jusqu'au début des années '70, quand le réseau d’eau n’était pas encore totalement fiable, il nous arrivait d’aller nous approvisionner, pendant les coupures, à la “houn de Cantina” sur la route de Lacq.
Le chemin de la houn dou cagot et son bassin-lavoir restauré il y a une dizaine d’années, évoque ces hommes et femmes exclus des villages, à partir du XVI° siècle des deux côtés des Pyrénées, simplement du fait de la croyance populaire ; à Arthez de Béarn, ils étaient ainsi cantonnés au Bourdalat, à l’époque en limite du village.
Le chemin de Bareille, à l'extrémité ouest du village, limitrophe avec Argagnon, aboutit au domaine éponyme avec ses écuries, et chevaux dans les prés. En foulant cette côte abrupte, je ne peux m’empêcher de penser à notre cher Raymond aujourd’hui disparu qui, dans sa jeunesse, à la pelle et la brouette, remontait la terre et les graviers que les trombes d’eau ravinaient lorsqu’un gros orage éclatait.
Le chemin dou bosc sur la voie de Saint Jacques de Compostelle draine les pèlerins en leur offrant une vue panoramique sur la chaîne des Pyrénées, et moins sur le bois comme le laisserait entendre sa dénomination ; pour qui a mieux connu ce chemin comme celui des “poubelles”, rien ne le laisse plus paraître ; la balade sur ce tronçon, large et aéré, du GR65 est agréable, en pleine lumière.
Le chemin Diserane dans son tronçon final, à partir de chez mon ami Serge, abandonne le bitume pour retrouver la terre en direction de l’ouest ; on découvre alors tout le charme du val de Leyre, grâce à un sentier entre prairies et sous-bois, à travers le faussement dénommé circuit Arracq (qui ne mène pas au quartier Arracq bien plus au sud du village). Enivrant de sérénité !
Le chemin du palouqué nous conduit précisément à ce quartier Arracq depuis la route de Gouze ; on le souhaiterait encore plus long, surtout en été quand on y baigne dans la fraîcheur de l’ombrage des châtaigniers et l’odeur des fougères. J’y retrouve les forêts et clairières de mes jeudis après-midi quand, enfant avec mes copains Dominique et Didier, nous allions retrouver Gérard tout au bout du chemin de Grabiel, alors bordé de genêts, qui nous reliait à la cité Bourdalat. La vieille grange abandonnée qui nous faisait office de refuge en bordure de bois, n’existe plus...
Enfin, le bouquet final, ma palme d’or des chemins communaux, que m’a incité à découvrir mon ami Bernard : le chemin de Baleich ! Depuis la route de Mesplède, juste à la sortie du village, il nous mène à la chapelle de N’haux (XII° siècle) et son écrin de verdure (comme le promeut le site internet de la commune). On est de suite séduit par la lumière tamisée verdoyante, les chicanes en bois à franchir pour restreindre aujourd'hui l'accès aux piétons et par le ruisseau à croiser avant de retourner à la pleine lumière du jour. En lisière d’un bois, on se prend à rêver de trouver de beaux cèpes et autres champignons. En partie enfouie sous les ronces, une ruine de demeure en pierre laisse imaginer cette voie de passage régulièrement fréquentée quelques siècles en arrière. Si vous deviez choisir un chemin à découvrir, ne le manquez pas !
Un beau patrimoine que ces chemins communaux. Je sais que la municipalité vise à en prendre grand soin, et je m’en réjouis. Connaissant l’un des principaux responsables de ce programme, je n’ai aucun doute sur le sérieux de la démarche et le bon devenir de ces lieux de passage. Il suffit pour s’en convaincre, si nécessaire, d’aller flâner du côté de la butte de Canarde, et parcourir ses chemins qui ont retrouvé vie au départ du lac et du complexe sportif. Bravo aux agents communaux d’entretien pour ce remarquable travail. Continuez, vous êtes en bon chemin !
Car ces chemins ont un charme inouï. Non seulement ils m’ont plongé dans le passé, non seulement ils m’ont redonné de l’énergie en ces temps présents de tensions diverses, mais surtout ils ont projeté mes pensées à l’été prochain quand j'espère pouvoir enfin retrouver Martin, mon petit-fils de deux ans, et l’amener découvrir, sac au dos ne serait-ce que pour le goûter, ces chemins du bonheur.
Jean-Michel Cabanes