2. des bureaux au village … le temps est venu !

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Écrit en chinois, le mot “crise” se compose de deux caractères : l’un représente le danger et l’autre l’occasion à saisir. Fort de cette sagesse orientale, notre monde d'après ne sera différent de notre monde d'avant que si l’on sait matérialiser les opportunités qui naissent de cette crise sanitaire.

En matière d’organisation de lieux de travail, c’est une révolution bien pensée qui devrait ainsi se mettre en place, impactant non seulement les entreprises, mais surtout nos campagnes, nos banlieues, notre société. 

“Open space” ou “bureaux individuels” ? Ce sempiternel sujet anime depuis des décennies les débats dans les entreprises. Surmontant les freins culturels, et très souvent au motif de réduction des coûts, les directions imposent de plus en plus les solutions de type open space : bureaux paysagers, bureaux semi-cloisonnés voire bureaux virtuels.

Il est intéressant de souligner que cette évolution dans l’organisation des lieux de travail n’intègre que très à la marge l'évolution vertigineuse des techniques de traitement des données et de communication. Tout au plus, à la réflexion, peut-on déplorer l’usage irraisonné des messageries qui conduit à envahir, pour motifs professionnels, l’espace privé des cadres principalement.

La crise sanitaire que nous venons de vivre a tout d’un coup rompu la digue qui jusqu’alors contenait une révolution au plan organisationnel. Le télétravail a été généralisé autant que possible, nécessité faisant loi. Ainsi donc, les espaces de bureaux d’entreprises, quel que soit leur style d’organisation, n’étant plus accessibles, et dans l’urgence, il a fallu tirer profit des progrès de la bureautique pour permettre la continuité de l’activité. Chacun travaillant depuis chez soi, et tous étant interconnectés au sein des équipes.

Le calme revenu, quel intérêt à maintenir ces dispositions de “travail depuis le domicile” ? Personnellement, j’y vois surtout deux grands risques dans le cas général, celui de l’isolement, et celui de fusionner vie professionnelle et vie privée, générant ainsi des angoisses sur tous les plans, et donc de l’inefficacité sociétale. Par contre, il me semble que des solutions fondées sur du coworking sont tout à fait adaptées pour plusieurs raisons. De fait, elles connaissent un succès grandissant.

À titre illustratif, précisons comment se déclinerait ce concept de coworking dans mon village, Arthez de Béarn, une communauté rurale.

Plutôt que de travailler depuis leurs domiciles, les personnes susceptibles de télétravail (quelles que soient leurs entreprises) se rendent dans un espace commun de bureaux qui leur est dédié, au sein même du village. Cet espace est évidemment équipé en bureaux et conformément aux meilleurs standards de connectique (informatique, audio, visio). 

Bien entendu, ceci n’est possible qu’après concertation avec les employeurs. Une étude au cas par cas précise le cas échéant le besoin de jours de présence des employés en coworking sur le site de l’entreprise, et les conditions de prise en charge par l’entreprise des coûts partagés de la structure coworking. Chaque employeur doit y trouver son intérêt, sachant qu’il s’évite des coûts dans ses propres locaux, et que la productivité de ses employés est de nature à s'accroître avec de meilleures conditions de vie, bien sûr, mais surtout avec l'opportunité d'une remise à plat des méthodes de travail.

Pour les employés volontaires, on peut penser que travailler dans un environnement d’entreprise (l’espace coworking) dans son propre village représente un progrès majeur dans leur mode de vie : gain de temps de transport, plus grande disponibilité pour leur vie privée, famille, amis, loisirs. Et quant au besoin social de vie collective, il est maintenu par la proximité et le partage avec les autres occupants du coworking. 

Pour le village, une animation quotidienne sans pareille, une plus grande richesse créée sur place à travers les besoins accrus d’alimentation et de services. Et comme ce dispositif de coworking peut attirer des employés de communes voisines, voire être un atout essentiel pour susciter de nouvelles implantations de familles dans le secteur, le bénéfice pour le village ne peut que croître.

Et puis, au plan de notre environnement, moins de transport, moins de pollution !

Sur la base de cet exemple, on perçoit tout l'intérêt pour un village comme le mien, Arthez de Béarn, d’héberger un site de coworking. Sa transposition à l'échelle du pays, tant dans l’espace rural que dans les grandes villes et banlieues, laisse entrevoir l'énorme potentiel de mieux-vivre dans le monde d'après, au plan individuel, mais aussi en termes de désengorgement des transports et en pollution évitée, problèmes majeurs de notre société. 

Enfin, atout majeur de ce schéma d’aménagement, sa mise en oeuvre tient uniquement aux initiatives de terrain, et n’est nullement conditionné par un cadre plus global. Quand bien même les aides de toute structure sont bienvenues, le projet d’un espace de coworking au village est suffisamment circonscrit pour être piloté depuis le village. Un beau défi pour une équipe municipale. Un enjeu majeur pour le monde rural. Une occasion à saisir pour Arthez de Béarn.

Jean-Michel Cabanes