La représentativité de la population de mon village, Arthez de Béarn, au syndicat intercommunal à vocations multiples (“Sivom”) continue de poser question au sein du conseil municipal. Pourtant, les règles ont été pleinement respectées et il n’y a rien à redire de ce côté-là. Néanmoins, en revendiquant d’une certaine façon l'esprit des lois, on peut en effet s’interroger sur des adaptations possibles dans l’intérêt général d’une citoyenneté renforcée. Le cas présent présente donc une belle opportunité de se pencher sur ce thème de la représentativité démocratique.
Les délégués du conseil municipal au Sivom
Tout commence avec la désignation par le conseil municipal de ses quatre délégués pour siéger au Sivom. Réglementairement totalement libre de son choix, le conseil est pleinement fondé à retenir quatre élus de la liste majoritaire. Ce qu’il a fait. Aussi invoquer la nécessité de refléter ici le résultat des élections municipales comme aurait pu le faire un représentant de la liste minoritaire n’a aucun fondement juridique.
Pour autant, rien n’interdisait la liste majoritaire de partager les sièges au Sivom, par exemple en en cédant un sur les quatre. Principe d’ailleurs établi et mis en œuvre, si ma mémoire est bonne, à l‘occasion de la mandature précédente par la liste majoritaire d’alors, aujourd’hui minoritaire.
Il est certain que la représentativité de la population arthézienne en serait de facto renforcée, sans nuire pour autant en aucune façon au bon fonctionnement des institutions que sont la municipalité et le Sivom. De mon point de vue, un tel constat ne peut en effet que l’emporter sur toute autre considération possible qui en réfuterait la pertinence. Aussi, revenir en arrière sur une telle disposition relève tout simplement de la régression, selon le dictionnaire. On peut le regretter.
Le président et les vice-présidents du Sivom
Puis vint l’élection du président et des cinq vice-présidents du Sivom.
Il faut d’abord préciser que l’assemblée générale du Sivom est constituée de 27 délégués provenant des douze communes : dix disposent de 2 délégués, une de 3, et Arthez de Béarn de 4.
Deux candidats se sont présentés pour le siège de président : une des quatre délégués d’Arthez de Béarn, et le maire d’un des autres “petits” villages. À l’issue du vote à bulletins secrets, ce dernier a été élu. La déléguée de mon village a donc été écartée, n’ayant recueillie en réalité que 26% des voix des délégués des onze autres villages. Au plan local, les raisons de cette mise à l’écart en sont d’autant plus claires qu’il ne me semble pas utile de m’y attarder. Pour la première fois de la jeune histoire du Sivom, son président ne sera donc pas issu de sa commune principale en termes de population et de contribution budgétaire. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Quoiqu’il en soit, était-ce une raison suffisante pour refuser, comme l’a fait la délégation arthézienne, le siège de vice-président qui lui était dévolu au titre de commune importante en volume de population ? Était-ce la meilleure posture pour défendre les intérêts de notre village, afficher sa détermination au bon fonctionnement du syndicat au bénéfice de la population, et agir dans l’intérêt général ? Je ne le crois vraiment pas.
“La démocratie est, en profondeur, l’organisation de la diversité” (Edgar Morin)
Bien que portant sur un territoire d’échelle tout à fait modeste, l’analyse de ce cas simple permet cependant de pointer des thèmes majeurs en matière de représentativité démocratique. Thèmes d’ailleurs en grande partie objet de fortes revendications depuis un certain temps au plan national. J’en retiendrais trois.
les règles et l’esprit des règles
Bien sûr, il s’agit avant tout d’agir sans aller à l’encontre des dispositions réglementaires. Sous cet attendu, il peut être judicieux de s’inspirer des modalités régissant des sujets similaires. Par exemple, pour la désignation des délégués au Sivom, qu’est-ce qui interdit d’appliquer les dispositions prévues dans le code général des collectivités territoriales pour la composition des commissions municipales ? À savoir, en substance, de “s’efforcer de rechercher la pondération politique qui reflète le plus fidèlement sa composition en tenant compte du nombre d’élus de chaque liste”.
Par ailleurs, et de façon générale, pour une collectivité, les mécanismes de sélection de ses représentants sont divers. Il suffit d’observer le mode d’élection du président aux États-Unis d’Amérique, foncièrement différent du nôtre, et pourtant les deux modes sont incontestablement démocratiques. Autant dire qu’il ne faut pas hésiter à prendre des initiatives en la matière, et à mettre de la bonne volonté dans le système.
un plus grand partage des responsabilités
Il serait préoccupant d’imaginer qu'au conseil municipal d’un village d’environ 2000 habitants comme le mien, il n’y ait pas suffisamment de talents pour nous représenter ou assumer le pilotage de structures territoriales, sauf une ou deux personnes qui cumuleraient ainsi des mandats. Ce serait au demeurant témoigner ainsi d’une certaine faiblesse dans la capacité à animer un travail d’équipe.
Par ailleurs, il n’y a rien de surprenant à ce que le représentant d’une “petite” commune préside une communauté comme le Sivom. Il suffit en effet par exemple de regarder, à une plus grande échelle, le fonctionnement de l’Union européenne dont la présidence tournante est assumée par chacun des pays membres à tour de rôle.
diversité et intérêt général
Il n’est plus à démontrer les bienfaits de la diversité (même en l’entendant ici comme diversité de groupes de pensée, d’opinions, de lieux de vie) dans la gestion des structures : exigence accrue en matière de communication, d’échanges d'idées et points de vue, de rigueur dans les argumentations et dans les décisions, etc. Il ne faut pas craindre, bien au contraire il faut les susciter, la culture du débat et la recherche du consensus.
En résumé, oui, il me semble de l’intérêt général de :
- rechercher les moyens de mieux refléter notre diversité, au-delà de la stricte application de la réglementation en vigueur (et sans attendre qu’elle évolue...) ;
- mieux répartir les responsabilités, et associer le plus grand nombre aux responsabilités majeures.
Et il ne s’agit pas seulement de veiller à une plus grande justice sociale mais surtout, pour ce qui est de l’objet de ce papier, de rechercher une efficacité accrue dans la gestion des collectivités, une implication encore plus dynamique des citoyens, une appropriation davantage ancrée des enjeux de la collectivité.
Pour être crédibles, les tenants de cette vision du monde, doivent toutefois être constants dans leur approche, et ne pas la revendiquer selon les circonstances... et avoir une position “à géométrie variable”. Rendez-vous donc aux prochaines échéances électorales.
Enfin, j’ai grand plaisir à présenter ici tous mes vœux de succès au nouveau président du Sivom, Jean-Bernard Prat, dont je suis sûr de la fine connaissances des dossiers, ainsi que de ses compétences, en particulier humaines, pour cette fonction.
Jean-Michel Cabanes