5. "moi, maire d'Arthez de Béarn, ... "

Bien souvent, dans un village, une élection municipale porte moins sur les différences programmatiques, en général peu nombreuses, que sur les valeurs affichées par les candidats-maire. Mais leurs professions de foi restent trop convenues et perdent de leur substance. Et pourtant ...

----------

Ce dimanche 28 juin 2020, nous voterons donc dans mon village, Arthez de Béarn, pour décider des personnes à qui nous confierons la gestion de notre collectivité pendant les six prochaines années, et implicitement pour choisir notre maire, à la tête de l‘une des deux listes.

Même si dans le fond, il existe quelques différences programmatiques substantielles entre les deux listes, comme la question structurelle de l’emplacement de la maison de retraite rénovée (lire mon post "N'Haux ville-nouvelle" peut attendre), le soutien ou pas à l’animation du village en tenant compte des contraintes de sécurité, ou la détermination à promouvoir l’agriculture raisonnée de proximité (cantine école primaire, espace commercial en centre-bourg), le vrai choix ce dimanche pourrait porter sur les valeurs affichées par les candidats-maire et leurs principaux conseillers. 

Leurs professions de foi n’aident cependant pas vraiment à clarifier ce critère. Ainsi, pêle-mêle peut-on y lire, en ayant pris soin ici (égalité de traitement oblige) de rapporter des propos de chacune des deux listes candidates sur chacun des points ci-après :

• “connait la valeur du travail et la rigueur nécessaire pour une bonne gestion de collectivité” ; “une gestion des finances maîtrisée” 

• “une équipe soudée, expérimentée, dévouée et renouvelée” ; “compétences pour diriger notre commune et surtout la volonté d’agir pour Arthez, pour les Arthéziennes et les Arthéziens” 

• “nous voulons fédérer autour de notre projet, à la fois réaliste et ambitieux” ; “un projet de vie collective crédible et ambitieux” 

• “valeurs d'humanisme, de transparence, d'équité et de solidarité” ; “esprit d’ouverture, de tolérance, de dialogue et d'équité” 

• “travailler avec tous, dans un climat de confiance, où chacun se sente concerné et puisse s’exprimer” ; “expérimentés et compétents, à l'écoute pour agir au service de tous” 

• “un engagement sincère et entier au service de tous” ; “défendre notre cité, ses besoins, ses talents et son identité” 

• “nous aimons Arthez … notre commune doit se développer harmonieusement, gérer le quotidien, préparer l'avenir” ; “passion de notre commune et la volonté de servir tous les Arthéziens” “développement harmonieux et durable”. 

Je passe enfin rapidement sur l‘engagement “un rayonnement de la commune assuré, par une dynamique de coopération à l'identité collective forte et ouverte dans les instances intercommunales”, phrase dont je n’arrive pas à comprendre la syntaxe en toute certitude.

Qu’il est donc difficile dans nos villages de différencier les candidats sur la base de critères rationnels. Les programmes sont globalement similaires, les thèmes étant limités. Les discours se fondent sur les mêmes concepts. Peu originaux même si, à l’évidence et sans en douter, tous veulent traduire un véritable engagement et attachement à la vie de la commune. Il faut leur en faire crédit, et surtout grandement les en remercier.

Toutefois il faut aller plus loin que ce florilège d’assertions convenues. Je me plais alors à m’imaginer candidat-maire avec, en fin de campagne, une Laurence Ferrari venir me poser la question vérité, à l’instar du débat pour la présidentielle de 2012 : “Quel maire comptez-vous être ?”.

M’inspirant de l’anaphore du candidat-président d’alors, je répondrais :

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je serai d’abord un élu de la République respectueux de mes concitoyens, notamment mes opposants.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je n’aurai pas l’outrecuidance de penser, et encore moins de déclarer sur les ondes d’une radio publique, quelles que soient les circonstances, que “démissionner ce serait laisser la place aux cons et aux bons à rien”.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je ne proclamerai pas avec condescendance sur ma vidéo de campagne électorale, et comme pour vouloir discréditer mes concurrents, “je préfère les faiseurs aux causeurs” , et ce d’autant moins que sur les listes d’opposition se trouvent en particulier des dirigeants d’entreprise expérimentés y compris de dimension internationale, et directeurs de grands projets à centaines voire milliards d’euros en France et sur la planète.

Moi, maire d’Arthez de Béarn,

je m´honorerai de savoir fédérer, et sans générer aucune polémique, l’ensemble des conseillers municipaux et candidats de tous bords volontaires pour aider à gérer une situation de crise exceptionnelle intervenant en période électorale, comme l’a été le confinement récent.

Moi, maire d’Arthez de Béarn,

je saurai encourager et valoriser les initiatives de mes concitoyens, en particulier dans les épisodes de crise de notre histoire.

Moi, maire d’Arthez de Béarn,

j’appuierai sans réserves et en m’assurant de la mise en œuvre stricte de toutes les règles de sécurité, comme l’ont fait d'autres maires, le groupe de volontaires qui solliciterait la salle socio-culturelle de la commune pour fabriquer en grande quantité des masques anti-pandémie et les diffuser gratuitement à la population, alors que nous sommes en plein confinement et que le manque de masques de qualité est alors criant … une situation de guerre selon certains.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je serai plus particulièrement attentif à la protection et au développement du charme de notre village ; en l'occurrence, je refuserai de continuer à habiller, par facilité, de noir, gris et blanc le centre-bourg pour privilégier d’autres solutions plus conviviales et esthétiques.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je serai vigilant au renforcement de la sécurité des personnes, tant dans l’usage des infrastructures, en particulier l’artère principale du village, que dans la réalisation de travaux sur le territoire de la commune.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je m’attacherai à faire vivre les principes d’une démocratie dynamique et d’un élan citoyen, je favoriserai le partage des responsabilités, je me concentrerai sur mon rôle de maire, et j’appuierai la candidature d’autres conseillers notamment aux postes de conseillers communautaires CCLO et de président du SIVOM.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

j’aurai le courage non seulement de susciter des questions sur la gestion et les projets de la commune, mais surtout d’y répondre en toute sérénité et dans le plus grand respect du droit d’expression.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je mettrai tout mon enthousiasme à organiser, dans un climat apaisé, des débats ouverts à tous pour trouver ensemble, et mieux s'approprier, des solutions innovantes qui valoriseraient notre patrimoine naturel, social et historique, tout en faisant de notre village rural un lieu d’excellence de vie du XXI siècle.

Moi, maire d’Arthez de Béarn, 

je définirai formellement un code d'éthique pour préciser, au-delà des obligations réglementaires, les pratiques de référence au sein du conseil municipal en matière de transparence des processus de décisions et de comportements attendus ; bien entendu ce code d’éthique sera convenu en totale concertation avec les “élus de l'opposition” à qui je proposerai même de piloter ce dossier.

Bon, bref. Comme l’avouera mon candidat-président “j’aurais pu continuer longtemps”. De toutes façons, je ne suis pas candidat-maire, et ne l’ai jamais été. Certains pourront s’en réjouir, quelques-uns peut-être le regretter, et pour la très grande majorité ce n’est même pas un sujet. Tant mieux.

Dimanche, il faut donc aller voter. Compte tenu de la dimension très locale et très circonscrite des enjeux, la légitime orientation politique de chacun ne me paraît raisonnablement pas de mise ici. Chacun le fera alors en son âme et conscience, et choisira, selon ses valeurs profondes, qui pour représenter et animer notre collectivité avec dignité. C’est là l’essentiel.

Jean-Michel Cabanes