L’élection municipale a donc traduit la volonté de changement dans la gestion de mon village. Pour satisfaire ces attentes, il me paraît prioritaire de commencer par rapidement faire évoluer les pratiques du conseil municipal, tant en son sein que dans ses relations avec la collectivité.
----------
“J'ai rencontré la nostalgie, la fiancée des bons souvenirs qu'on éclaire à la bougie.” (Grand Corps Malade).
Une campagne électorale se finit donc, et je ne peux m’empêcher de penser à un ancien maire de mon village, Arthez de Béarn, qui exerça ses mandats successifs dès 1959, quand je suis né, et pendant une trentaine d’années. Un personnage de son époque, une autorité naturelle, un peu espiègle, d’une grande gentillesse, d’une extrême disponibilité, entièrement dévoué à ses missions de docteur de famille et de maire.
Je me souviens, encore enfant, attendre mon tour pour une consultation médicale en début d’après-midi, assis sur les marches du hall d’entrée de son domicile, pendant qu’avec les autres patients nous l’entendions prendre son repas en famille dans la salle à manger ou cuisine attenante. Une autre époque, mais il en résultait une certaine proximité et chaleur humaine, en même temps qu’un grand respect.
Son esprit vif et son énergie à mener des batailles avaient permis de transformer le village, de le mettre sur la voie du progrès, et d’y voir doubler la population dans le contexte de l’émergence du nouveau pôle gazier et industriel de Lacq. Certes, il avait ses opposants, mais eux aussi étaient appréciés pour leur implication dans la vie du village et respectés. Le temps enjolive probablement mes souvenirs, mais je me plais aujourd'hui, très affectueusement, à comparer notre maire de l’époque à un Gaston Defferre à l'échelle du village. Des hommes de leur époque, qui régnaient en maítres sur leur territoire, jaloux de leurs prérogatives et peu partageurs, subtils et fermes dans leurs relations, le verbe tranchant et plein de sens, hauts en couleurs et d’une certaine façon attendrissants.
Une autre époque. Celle des Maritie et Gilbert Carpentier comme le chante Bénabar, celle des films de Peppone et Don Camillo qu’on regardait le dimanche soir en famille, sur la seule chaîne de télévision, bien sûr en noir et blanc.
Aujourd´hui les attentes sociétales par rapport à la fonction de maire ont grandement évolué, et les problèmes sont d’une toute autre nature. Les profils de maire ne peuvent plus être les mêmes. Et qui persisterait aujourd’hui dans ce style du siècle passé ne génèrerait que de l’exaspération.
Je comprends que les élus issus de la liste “Arthez a du talent, réveillons-le”, dorénavant à la tête de la municipalité, ambitionnent de moderniser le mode de fonctionnement de l’institution. Les écueils sont cependant nombreux. Ayant très à cœur ce même objectif de progrès, je me permets humblement de partager ici des points critiques qui, selon moi, constituent des facteurs-clés de succès.
Convenons tout d’abord que les problèmes du village sont en nombre limité, tant compte tenu de la taille de la commune, que de la répartition des responsabilités de gestion avec la communauté de communes CCLO, d’une part, et le département, d’autre part. Sur ces problèmes de la stricte responsabilité de la municipalité, retrouvons-nous pour partager des solutions en toute simplicité. Ainsi, les réactions telles que “ils nous ont volé nos idées” entendues pendant la campagne électorale me paraissent-elles dénuées de sens ; réjouissons-nous plutôt de partager nos points de vue. Inversement, ce n’est pas parce que des actions originales et novatrices ont été proposées par une liste concurrente qu’il faudrait “par tradition” les ignorer voire les exclure. Ne bataillons pas pour des futilités. Nouvelle équipe municipale, vous avez amorcé une telle attitude positive pendant la campagne. Ce serait tout à votre honneur de prolonger et d’étendre cette valorisation de bonnes idées dès le début de votre mandature.
Avec plus ou moins de conviction ou de précisions sur leurs modus operandi, chacune des trois listes en présence a vanté les vertus d’une participation citoyenne à travers des consultations régulières de la population. À l‘heure du numérique et encore plus dans un contexte de confinement, on s’attend à une solution globale incluant l’internet. Les outils existent déjà et seraient faciles à mettre en œuvre. Il me semble alors primordial de satisfaire ainsi et rapidement les attentes d’une grande partie de notre collectivité.
J’ai pu noter aussi pendant la campagne une certaine aversion pour le débat et la transparence des positions et arguments, tout comme une vraie tiédeur à laisser des positions par écrit autres que des textes de propagande. Ce ne sont plus des pratiques d’aujourd’hui. Les réseaux sociaux sont une réalité de tous les jours, et il nous faut tous nous obliger à des échanges consistants et de qualité. Aussi, pour structurer et promouvoir à l’échelle du village la controverse sous une forme ouverte et transparente, dans la sérénité et le respect du droit d’expression, la mise en place et la gestion, sous l’égide de la nouvelle équipe municipale, d’un forum institutionnel me paraîtrait une solution des plus adéquates.
Enfin, j’ai pu prendre conscience d’attitudes totalement surannées dans le style de gestion des affaires de la commune. Or notre société est légitimement exigeante de plus d’éthique au sens large dans la conduite des affaires, et je ne parle pas ici d’aspects financiers, mais d’attitudes. Non seulement dans le monde des grandes entreprises, bien sûr, mais aussi dans tout type d’organisations comme notamment des municipalités. En effet, grâce en particulier à une plus grande transparence, l'éthique apporte un grand confort dans la gestion et une plus grande confiance parmi tous les usagers.
De mon expérience dans le monde entrepreneurial, c’est en procédant progressivement et sur des situations très concrètes que l’on devient crédible et efficace en la matière, puis qu’on progresse avec succès dans le temps. Nouvelle équipe municipale, vous regrettiez des comportements peu coopératifs dans la mandature précédente ; je vous suggère donc de commencer par les décrire et de vous engager noir sur blanc à ne pas les reproduire à votre tour. Vous aurez ainsi rédigé les premiers chapitres du code d’éthique, puis complétez-le avec le temps.
Dans la première phase de cette campagne électorale une liste avait proposé l’idée d’une “commission de déontologie” au sein de la municipalité, avec au moins trois élus, dont un de l'opposition, pour l'attribution de subventions, HLM, etc. S’agissant d’une proposition issue d’un collectif, il ne convient pas d’en citer l’auteur. Je peux néanmoins préciser que je n’en suis pas à l’origine, mais que je trouve le concept excellent. Si en réalité cette suggestion ne s'avérait pas ici pertinente, ou en sus de cette suggestion, vous seriez néanmoins clairvoyants en définissant d’autres mesures qui écarteraient toute perspective de clientélisme potentiel.
Nouvelle équipe municipale, un tel code d'éthique précisant rapidement, au-delà des obligations réglementaires, les pratiques de référence au sein du conseil municipal en matière de transparence des processus de décisions et de comportements attendus, illustrerait avantageusement votre détermination à faire évoluer les pratiques.
Nouvelle équipe municipale avec “tous vos talents qui se réveillent”, vous avez maintenant la clé de la boutique pour six ans. On pourrait ainsi attendre 2026 pour tirer le bilan de votre action. Mais “p….. six ans, c’est long !”. Or les thèmes ici soulevés constituent de solides structures fondatrices d’un style de gestion d’une commune comme Arthez de Béarn ; à mon sens et en tant que telles, il convient de rapidement les matérialiser. Personnellement, je serai attentif à voir ce qu’il en est au terme de vos “Cent premiers jours” qui me semble un délai cohérent avec le rythme du changement attendu. Quelque part cela devrait nous mener vers le 12 octobre, date éminemment emblématique du “faut-il en rire ou en pleurer ?” ; en effet, certains dans le monde commémorent ce jour-là la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb dans l'allégresse, y compris avec jour féríé national, quand d’autres pleurent l’invasion colonialiste et en font un jour de deuil.
Alors rendez-vous le 12 octobre pour célébrer votre orientation de gestion ou la regretter. D’ici là je vous adresse bien évidemment, et dans l’intérêt de notre collectivité, mes vœux les plus sincères de succès dans cette démarche.
“Seule une exigence éthique unanimement partagée permettra de préserver durablement, pour tous, la liberté et la paix.” (Jean-Marie Pelt).
Jean-Michel Cabanes