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13. la corrida, un forum citoyen de référence

 

C’était devenu une tradition, le 15 août j’allais voir une corrida, à Dax ou à Bayonne. Cette année ce ne sera donc pas possible. Je le regrette car, au-delà du spectacle, je goûte la corrida aussi pour ce qu’elle est d’authentique lieu d'exercice du pouvoir citoyen… référence dont on pourrait, d'une certaine façon, s’inspirer pour la gestion des affaires publiques de collectivités de la taille d’un village.


 

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Aficionado, j’ai plaisir à aller “a los toros”, au moins une fois l’an. J’ai ainsi connu les arènes de Madrid / Las Ventas (le temple de la tauromachie !), de Séville / Maestranza, de Barcelone / Monumental (avant que les corridas ne soient interdites en Catalogne espagnole en 2010), de Valence, Alicante, etc. et donc aussi celles de Dax ou Bayonne. En France, la réglementation interdit par principe la corrida et ne l’autorise que par exception là où “une tradition locale ininterrompue peut être invoquée”, ce qui est le cas au moins dans un grand nombre de villes du sud de la France … par exemple Orthez à une quinzaine de kilomètres de mon village, Arthez de Béarn.

 

La tauromachie, ou l’art de toréer, se fonde sur le respect de nombreuses traditions transcrites en règles, d’une précision qui échappe bien souvent au spectateur novice. Or, le pouvoir du spectateur est décisif dans le déroulement et la valorisation d’une corrida. Quand bien même un président (“de séance”) accompagné de deux assesseurs techniques, est garant du bon déroulement et du rythme de changement de phases du spectacle, ainsi que de l’attribution des trophées, il lui incombe en réalité de considérer l’opinion publique, et de prendre ses décisions majeures “a petición mayoritaria del público”, c’est-à-dire conformément à ce que la majorité du public demande. Un président, assisté de conseillers, qui prend instantanément ses décisions en cohérence avec la majorité des voix exprimées par le peuple, c’est suffisamment remarquable pour le souligner ! 

 

L'attribution des trophées est sans nul doute l’acte le plus connu dans ce registre. C'est en effet, sous réserve du niveau de satisfaction manifesté par les spectateurs, à la fois de façon sonore avec leurs applaudissements et visuellement en agitant des mouchoirs blancs, que le président accorde au toréador, mais aussi au toro, sa récompense. 

 

Celle-ci consiste pour le toréador, selon une échelle de mérite croissant, en un salut au public, un tour d’honneur de l’arène, puis en une ou deux oreilles du toro (le président exhibe alors un ou deux foulards blancs depuis sa tribune). Il faut noter que l’attribution de la queue comme trophée reste une prérogative du président. Pendant le spectacle (sauf à Madrid, “le temple de la tauromachie”) quand le public considère le travail du toréador suffisamment enthousiasmant, il peut aussi demander au président d’ordonner à l’orchestre de jouer des pasodobles.

 

Pour le toro, quand celui-ci aura montré une bravoure exceptionnelle (le président exhibe alors un foulard bleu depuis sa tribune), il aura droit à un tour d’honneur de l’arène accompagné de son éleveur ganadero. Dans le cas où le toro aura été exceptionnel dans toutes les phases de la corrida jusqu’au moment de la mise à mort, et démontre des qualités physiques remarquables, il pourra être gracié (le président exhibe un foulard orange depuis sa tribune). Le toréador simulera alors la mise à mort avec une banderille, et le toro, une fois guéri, finira sa vie en coulant de beaux jours comme étalon reproducteur…

En revanche, il faut noter que si le toro présente des défauts flagrants ou des comportements inadaptés au bon déroulement de la corrida, le président pourra décider de le renvoyer au toril et de le substituer par un autre toro (le président exhibe alors un foulard vert depuis sa tribune).

 

Le public a droit de faire entendre sa voix, et le président l’obligation de l’écouter avant de prendre ses décisions. Cette relation sera toutefois d’autant plus idyllique que chacun, tant le président que le public, saura faire preuve de juste mesure et d’une parfaite connaissance des bases du spectacle. Or celles-ci sont beaucoup plus fines et étendues qu’on ne pourrait l’imaginer à prime abord : caractéristiques du toro tant dans son apparence que dans ses qualités au combat, techniques de passes à la cape et à la muleta, habileté et capacité du toréador à s’imposer et mettre en valeur le toro, rythme et harmonie du spectacle.

 

La corrida est dans le fond à l’image de tout système démocratique. Pour un bon fonctionnement global, il faut un président qui sache écouter le peuple et prendre des décisions équitables, mais aussi un peuple qui sache se faire entendre dans le respect des règles de l’art. Ce dernier point s’accomplit  d’autant plus harmonieusement et efficacement pour la collectivité que le peuple est notamment correctement instruit. L’instruction publique, enjeu majeur de notre société (on y reviendra… après les vacances) ! 

 

Enfin, avant de clore cette tribune, il est bon de savoir que la corrida dans sa forme actuelle est née au XVIII° siècle en Espagne, quand le peuple commence à faire à pied le combat avec le taureau que la noblesse faisait à cheval. C’en était fini de la tradition élitiste ! On peut donc pointer que, d’une certaine façon, la corrida, tant dans ses racines que dans ses règles de fonctionnement, est un bel exemple de mouvement citoyen. 


 

Je me plais ainsi à imaginer le maire et le conseil municipal de mon village directement connectés (par exemple via un simple outil internet) à la population du village. Si prendre toutes les décisions de la sorte parait plutôt utopique, il n'en va pas de même pour les décisions majeures. Entendons-nous bien, il s’agit tout simplement de laisser le conseil municipal prendre ses décisions, mais en leur donnant toute la légitimité et la pertinence que confère au cas par cas la vox populi. Il s'agit bien aussi de veiller à instruire les dossiers en toute transparence et en s’assurant d’avoir clairement informé la population avant de solliciter son avis.

 

Corrida et gestion citoyenne, même combat...   y compris dans la pérennité des polémiques qu’elles ne manquent pas de susciter !

 

 

Jean-Michel Cabanes

13. la corrida, un forum citoyen de référence
13. la corrida, un forum citoyen de référence
Tag(s) : #civisme, #citoyenneté
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