“Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde.” (A. Camus). On ne saurait trouver plus à propos pour qualifier le traitement réservé localement au rapport sur le contrôle des comptes et de la gestion de la commune d’Arthez de Béarn concernant les exercices 2015 jusqu’à la période la plus récente effectué par la Chambre régionale des comptes Nouvelle Aquitaine dans le cadre de son programme 2020.
Pour aider à y voir plus clair sur ce rapport, il est utile de cerner ce qu’il est et ce qu’il n’est pas.
ce qu’est ce rapport
Mais d’abord, quèsaco la Chambre régionale des comptes Nouvelle Aquitaine ?
Quelques extraits du site de présentation de cette institution permettent de mieux saisir sa mission :
- la Cour des comptes et les Chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) forment un ordre de juridiction financière dont la Cour est la juridiction supérieure ;
- les CRTC exercent une triple compétence sur les collectivités territoriales et leurs établissements publics : jugement des comptes des comptables publics, examen de la gestion et contrôle des actes budgétaires ;
- dans le cadre prévu par la loi, les CRTC définissent librement leur programme de travail, sont dotées de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place, adoptent librement leurs conclusions et jouissent d’une liberté éditoriale ;
- présentes dans le débat public grâce à leurs publications, les CRTC se veulent utiles aux décideurs comme aux citoyens et contribuent activement à l’amélioration de la gestion publique et de ses résultats.
La rédaction et la diffusion du présent rapport de la Chambre régionale des comptes Nouvelle Aquitaine n’ont donc rien d’exceptionnel ni de préoccupant. Tout au contraire, il concerne tout simplement une des nombreuses municipalités (mon village, Arthez de Béarn, dans le cas présent) que la chambre aura inscrit à son programme annuel de contrôle. Et surtout, il vise à éclairer les responsables locaux pour renforcer la bonne gestion de leur collectivité. La démarche de contrôle de gestion est un processus universel de progrès ; elle est d’ailleurs de la même façon une fonction essentielle dans les grandes sociétés et leurs filiales.
Après avoir contextualisé le cadre communal sur la base de chroniques statistiques Insee, et décrit l’évolution des compétences communales sur la dernière décennie à travers les divers regroupements mis en place (CCLO, Sivom, etc.) et leurs impacts financiers, les rapporteurs analysent les comptes de la commune pour aboutir à des recommandations de deux ordres.
D’abord des recommandations relevant, pour faire simple, de la “mécanique et discipline comptables”, recommandations qui sont d’ailleurs déjà en cours de mise en œuvre. Il est loyal de noter que la situation antérieure, avant correction selon les recommandations, ne portait pas vraiment préjudice à la bonne gestion du budget communal... probablement d’ailleurs lui était-elle plutôt globalement bénéfique.
Ensuite, la recommandation majeure : le niveau de la contribution de la commune au Sivom. Un sujet déjà bien identifié depuis quelques années, et qui mérite en effet une réflexion de fond, dans la mesure où les dépenses de fonctionnement de la commune sont fortement grevées par le niveau de cette contribution.
Recommandation n° 8 : Saisir le conseil municipal afin d’examiner le mode de calcul de la contribution versée au syndicat intercommunal d’Arthez de Béarn, ses effets sur les finances communales et de rechercher une solution alternative.
Et le rapport de souligner, sur ce point, dans sa synthèse que :
Cette importance justifie que la commune dresse un bilan coût/avantages de ses relations avec ce Sivom qui l’éclairera sur la suite à leur donner. Cela pourrait être également l’occasion pour la commune de réaliser le même bilan en ce qui concerne d’autres compétences communales, dont le coût est élevé, que sont les domaines du sport et/ou de la culture qui pourraient être transférés à la communauté de communes. À l’heure actuelle, une réflexion sur le réexamen des clés de répartition de la contribution au Sivom est entamée tant au niveau de la commune, qui la juge nécessaire pour retrouver des marges de manœuvre financière, que du Sivom.
On le voit, le sujet est loin d’être trivial. Il s’agit donc, et c’est bien normal, de s’interroger sur l’opportunité de la mutualisation de ressources et services avec les communes environnantes. Toute ressemblance avec une quelconque situation similaire au plan international consistant à délier des synergies montre la difficulté de l’exercice. Subirons-nous les affres d’un processus de type “no deal” ?... Un vrai sujet de gestion dont les conclusions pourraient très probablement in fine relever d’une vision politique, au sens large, la vérité des chiffres étant rarement univoque dans ce genre de situations.
ce qu’il n’est pas
Il est important de noter que les rapporteurs prennent acte de la situation actuelle de la collectivité pour mieux en analyser le pilotage des comptes. En aucune manière, et parce que ce n’est absolument pas leur mission, ils ne portent un avis sur la pertinence des choix d’investissement de la collectivité, ni sur la qualité de vie au village. Tout au plus précisent-ils que “la commune est attractive”, ce qui est d’ailleurs bien différent de “attrayante”. Attractive, pour caractériser quantitativement l’essor démographique et la complétude des équipements, ainsi que la densité du tissu associatif. Attrayante ? parce que la commune attirerait pour son aspect plaisant, agréable ? peut-être, mais ce n'est pas du ressort de ces rapporteurs d’en juger, ce qu’ils ne font pas en l’occurrence. Une commune donc attractive, d’un niveau similaire de fait à celui du département pour ce qui est de l’évolution démographique.
Par ailleurs, soyons clairs. Il ne s’agit en aucune façon pour ses auteurs d’une analyse “à charge” de la gestion de la collectivité pendant la période observée. Ce n’est absolument pas l’objet. D’ailleurs, dans leur synthèse, les rapporteurs concluent “... la poursuite de l'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement... et de la maîtrise conjointe des dépenses d’équipement et des emprunts doit être maintenue...” ce qui conforte à l’évidence la direction stratégique du pilotage budgétaire de l’équipe municipale précédente.
Il est essentiel aussi de souligner ici que les rapporteurs soulignent la qualité des informations comptables : “L’examen des comptes de l’ensemble du périmètre budgétaire de la commune a mis en évidence quelques difficultés qui ne remettent cependant pas en cause la fiabilité et la qualité de l’information comptable. Les imperfections relevées ne sont pas de nature à altérer l’analyse financière.”
Il faut rappeler que, conformément aux dispositions réglementaires, ces éléments de gestion (budget et comptes de la commune) sont publics et peuvent être demandés par quiconque. Au demeurant, ils ont par nature été soumis pour examen en vue de leur approbation à chacun des conseillers municipaux pendant la période concernée. Aussi, que des membres du conseil municipal actuel présents aussi dans le conseil municipal précédent, ou des colistiers, s’étonnent de la situation financière de la commune sur la base de ce rapport ne peut qu’interpeller, voire préoccuper…
pour ne pas ajouter au malheur du monde
C'est évident, notre commune a dû emprunter pour financer les équipements dont nous bénéficions, et il nous faut maintenant continuer à rembourser ces emprunts. Et donc rien d’étonnant qu’il puisse en découler une gestion serrée des finances locales. C’est la pleine responsabilité de l’équipe municipale aux commandes que de la piloter à présent. Comme le précisent les rapporteurs, il lui incombe de “(maintenir) l'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement... et de la maîtrise conjointe des dépenses d’équipement et des emprunts”.
Voilà donc le processus budgétaire au centre des débats, comme il convient. Réduire absolument les dépenses de la collectivité est un enjeu d’autant plus fondamental pour les Arthéziens que la fiscalité locale a atteint des sommets qu’il serait déraisonnable de dépasser. Face à cet enjeu, il me semble indispensable d’observer quelques règles basiques d'hygiène en matière de gestion budgétaire, comme celles que je soumets ci-après à la réflexion de chacun.
Avant d’engager toute nouvelle dépense, la municipalité devrait explicitement justifier son financement. Par exemple, soit par une réduction d’une dépense déjà budgétée et d’un niveau équivalent, soit par une réorganisation des activités n’engendrant au final aucun surcoût, soit par une subvention extérieure, soit par l’abandon ou la réduction de l’ampleur d’une action déjà programmée. Dans tous les cas de figure, il est attendu de l’équipe municipale qu’elle fasse preuve de créativité et de capacité de décision et, autant que nécessaire, de renoncement à des programmes de fonctionnement. On attend de dirigeants qu'ils sachent faire de bons choix quand les circonstances l'imposent, et les motiver, car il serait vraiment malsain de laisser les surcoûts et les dépenses non prévues s’accumuler petit à petit.
Dans ce contexte, une plus grande transparence des échanges au sein du conseil municipal me paraîtrait hautement salutaire. Sur le fond, les arbitrages tant dans l'élaboration du budget de l’année à venir, que, en cours d’exercice, sur la réduction des dépenses budgétées ou le financement de nouvelles dépenses, doivent être clairement débattus puis expliqués. Et puis surtout, sur la forme, les relevés de décisions, procès-verbaux ou compte rendus de séances du conseil municipal, aujourd'hui d’une essence bureaucratique effrayante, gagneraient à mieux traduire les positions alternatives qui peuvent être proposées au sein du conseil. Ce que le règlement intérieur du conseil municipal tout récemment voté permet. Une meilleure traçabilité des positions exprimées enrichirait indiscutablement le débat et l’émergence, voire le partage, de vraies solutions, en mettant davantage en lumière les responsabilités de chacun au sein du conseil.
En toutes circonstances, il est crucial pour le conseil municipal de consolider le lien de confiance avec la population. Ce qui exige une volonté farouche d’ouverture, d’écoute, d’explication, d'anticipation, d’information régulière. Ce qui exige aussi de vouloir mettre à profit les nouvelles technologies de communication, ce qui ne demande en l’occurrence aucun investissement financier ni effort particulier (lire ma tribune "ce siècle a déjà vingt ans"). Une politique de communication digne de ce nom permettrait d’ailleurs d’éviter à l’équipe municipale de devoir rédiger à la hâte des communiqués, alors que des rumeurs circulent et que des pétitions s’annoncent...
Pour conclure, je tiens à remercier mon concitoyen qui a diffusé ce rapport clé via un blog d’information locale d'un particulier, blog qui fait référence au sein de la communauté et qui témoigne bien (s'il le fallait encore !) de l'appétence des habitants pour les nouveaux moyens de communication, a fortiori quand ils sont bien administrés.
Mais, à propos, pourquoi ce rapport de la Chambre régionale des comptes Nouvelle Aquitaine qui porte sur notre village n’est-il toujours pas accessible à ce jour sur le site de la mairie ? …
Jean-Michel Cabanes