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Capucine, une douce génisse blonde d'Aquitaine, chez elle, la veille de son départ

Capucine, une douce génisse blonde d'Aquitaine, chez elle, la veille de son départ

Je me désolai il y a quelque temps de la disparition des troupeaux de vaches des panoramas de mon village, Arthez de Béarn (cf. ma tribune mais où sont donc passées les vaches ?). Après diverses incursions alentour, j’en ai toutefois rencontrées ! Si elles se font dorénavant plus discrètes, elles sont devenues cependant les actrices d’une production de qualité plus recherchée, plus exigeante et plus innovante. Des histoires d’éleveurs qui s’inscrivent dans un contexte économique tendu, et un mouvement sociétal irréversible. Des histoires d’éleveurs qui m’ont charmé, au point d'exciter ma soif de savoir en matière bovine.

 

 

exit les prim’holstein 

Ces vaches plutôt de grande taille, facilement reconnaissables à la couleur de leur robe pie noire peuplaient auparavant les champs environnants. Je n’en vois quasiment plus, et pourtant elles comptent pour environ 60% du cheptel bovin laitier national. Reconnue comme une race laitière très productive, peut-être trop selon les critères des producteurs locaux, la prim’holstein a progressivement laissé place ici à d’autres races aux qualités laitières plus exclusives. 

En effet, les producteurs de lait ont connu dès les années 1980, et jusqu’en 2015, la mise en place de quotas pour limiter les quantités de lait alors excédentaires, et faire face à l’effondrement des prix du lait. Les petits producteurs qui ont résisté à ces tensions économiques ont alors souvent décidé d’investir un maillon supplémentaire d’activité en aval de la simple production de lait. Il leur fallait, pour ce faire, choisir d’autres races bovines mieux adaptées au cas par cas à leurs projets.

La qualité du lait varie en effet principalement selon la race des vaches, leur génétique et leur alimentation. Des indicateurs spécifiques, comme le taux butyreux (TB) ou le taux protéique (TP) permettent de caractériser respectivement la teneur en matières grasses ou en protéines et autres matières azotées. Plus le TP est élevé, par exemple, plus le lait est payé cher au producteur car plus le rendement de transformation fromagère est bon.

 

des montbéliardes pour du beurre

Des montbéliardes avec leur regard charmeur et leurs taches rouges sur robe blanche sont ainsi arrivées un jour à la ferme Pallanne, Arnos. Originaire de Franche-Comté, aujourd’hui deuxième race laitière de France (environ 17% du cheptel bovin laitier), la montbéliarde est  appréciée principalement pour ses qualités laitières. Elle  signe ainsi des grands fromages AOC comme le comté mais aussi le saint-nectaire et la tomme de Savoie.

Chez Pallane, l’éleveur a choisi de compléter la production laitière, tradition familiale depuis trois générations, par la fabrication et la commercialisation de beurre, de crème fraîche et depuis peu de fromage blanc 0%. Quand je vais m’y approvisionner, mes petits-déjeuners avec tartines de pain beurrées retrouvent alors une saveur inégalée, et mes desserts se cantonnent à déguster la crème fraîche nature à la petite cuillère. Gourmand ou gourmet ? … je ne sais pas, probablement les deux, mais, il faut le reconnaître, c’est un régal.

Bien entendu, le souci de l’éleveur pour la qualité explique aussi pour beaucoup le raffinement de ses produits. Adepte de l’agriculture raisonnée, ses vaches sont nourries au foin et à l’herbe. Un récent trophée est d’ailleurs venu récompenser la passion de l'éleveur : Pêche, une de ses belles montbéliardes, a gagné le premier prix de sa section au salon de l’agriculture 2022 de Tarbes ! Bravo !

 

des normandes pour p’tits béarnais

À Castétis, c’est avec des normandes qu’un jeune couple de passionnés s’est lancé dans une authentique aventure humaine, la ferme-entreprise "lait pour p'tits béarnais". Troisième race bovine laitière en France (un peu moins de 10% du cheptel), la normande est la douce coupable d’AOP comme camembert, livarot, pont-l'évêque et autres beurres et crème d’Isigny. 

Les fromages et yaourts produits chez “lait pour p´tits béarnais” n’ont rien à envier à ces prestigieux “cousins de Normandie”. Non seulement les normandes donnent un lait de qualité, riche en protéines (TP le plus élevé des principales races laitières en France), mais ici tout est bio, avec un label obtenu dès 2013. À regarder derrière la vitrine les fromages ouverts par moitié, la consistance et la couleur inimitable de la pâte, entre ocre et ambre, on comprend de suite qu’on a affaire à des produits premium. Un régal des yeux avant le régal des papilles !

 

des jersiaises givrées

Mon coup de cœur de l’été … et des autres saisons ! 

À Casteide Candau, des autoproclamés “givrés des prés" se sont lancés dans la fabrication et la commercialisation de glaces “au lait de vaches heureuses”. Un peu mabouls, ils se sont progressivement débarrassés de leurs vaches traditionnelles pour constituer un troupeau de jersiaises. Cette race de vaches au petit gabarit et aux yeux de biche, plutôt confidentielle, originaire de l'île anglo-normande de Jersey, et au lait exceptionnel. Son lait est en effet le plus riche de tous, tant en matière de protéines (TP) que de matières grasses (TB) et il contient des minéraux (phosphore, calcium, fer, zinc, cuivre) en quantités remarquables. 

Il n'est alors pas étonnant que les fêlés de glaces, comme moi, y trouvent leur bonheur ! D’autant qu’aucun colorant ni conservateur ne franchit le seuil du laboratoire de fabrication attenant à la stabulation. Seuls des produits de l’agriculture locale et raisonnée ont droit à se mélanger au lait bio de leurs jersiaises : pêches roussanes de Monein, yaourts de la ferme "lait pour p'tits béarnais", sel de Salies de Béarn, framboises du Tursan, fruits du verger Pelanne de Sault de Navailles, etc. 

Autant dire que pour repousser les limites de nos petites folies gourmandes, il suffit de se convaincre que savourer leurs glaces serait tout simplement nécessaire à notre bonne santé !

Pour les adeptes pas nécessairement déments des réseaux sociaux, ne ratez pas non plus leurs délires quotidiens sur Facebook. Ils y font preuve d'une créativité et d'une exigence rédactionnelle qui sont tout à l’image de leur grand professionnalisme.

 

des blondes d’Aquitaine en peine

Locale de l’étape, la blonde d’Aquitaine voit son effectif croître sans discontinuer depuis sa création officielle en 1962, tant en France que sur les cinq continents. Réputée pour ses qualités bouchères, sa viande est non seulement goûteuse, mais aussi diététique et festive. On ne manque pas bien sûr d’en voir quelques troupeaux brouter dans les champs de notre campagne. Mais pas tant que ça finalement. Peut-être parce que, depuis leurs pâturages, elles seraient davantage exposées à l’épizootie de tuberculose bovine qui sévit de façon dramatique dans notre secteur depuis quelques années (voir la carte en fin d’article). 

Un de mes grands amis s’était lancé pour le plaisir dans l’élevage de blondes d’Aquitaine, à Mesplède. Un premier troupeau d’une quarantaine de bêtes dut être abattu pour cause de tuberculose bovine. Puis après une période sanitaire réglementaire il renouvela l’aventure avec un deuxième troupeau d’une douzaine de têtes. Au bout de quelques mois, ces bêtes durent à leur tour être abattues pour les mêmes raisons. Un vrai déchirement. 

D’autant que sa relation avec ses vaches et son taureau relevait d’un affectif qui m’avait saisi. Non seulement il s’adressait délicatement à chacune de ses bêtes par le prénom qu’il leur avait attribué, mais il en prenait soin jusqu’à leur prodiguer des massages ostéopathiques et leur administrer des remèdes homéopathiques pour leur bien-être. Il ne traitait les champs sur lesquels il laissait ses vaches paître qu’avec des produits naturels. L'entretien des haies et bordures de champs était exemplaire pour la sécurité de ses vaches, de sorte qu’aucun blaireau, le vecteur principal de cette épizootie, n’y avait jamais été vu ni par mon ami, ni par les chasseurs de la zone. Et enfin, si l’abattoir correspondait évidemment à l’étape finale du cycle économique, mon ami ne manquait pas de s'indigner du manque scandaleux de respect pour les bêtes qu’il avait pu observer en certaines circonstances.

Alors quand les processus de détection puis d’abattage se sont enclenchés, l’incompréhension laissa rapidement la place à la colère. Doutes sur les compétences et l’intégrité des uns et des autres, des vétérinaires, de l’administration, des abattoirs, le mauvais sort ... tout y passa, c’est bien naturel.

Beaucoup de compassion envers mon ami. Une chose est certaine, je bannis dorénavant de mon langage l’expression “cruel comme un boucher”, profession qu’il exerça avec talent dans une vie antérieure. 

Il s'oriente dorénavant vers des chevaux pour peupler ses champs. On en revient ainsi à la case départ de ma tribune antérieure "mais où sont donc passées les vaches ?" ...

 


comme sur un petit nuage … de lait

Différents points de vente répartis localement, voire bien au-delà, permettent à chacun d’entre nous de profiter facilement des produits laitiers d’exception mentionnés dans cette chronique. Personnellement, je préfère me rendre dans ces fermes. C’est pour moi autant un plaisir intense qu’un acte militant. 

Un plaisir que de s’enfoncer dans la campagne, de sortir des routes habituelles, une sorte de balade hors du temps. Un plaisir que d’arriver à la ferme, voir les vaches, discuter avec l‘éleveur qui me fait replonger dans le temps présent, échanger sur son histoire, ses projets, ses difficultés, valoriser l’esprit d’entreprise de ces hommes et femmes.

Un acte militant que d’aller me fournir au plus près du producteur, lui témoigner en personne ma reconnaissance pour la grande qualité de ses produits telle que je la perçois, faire en sorte qu’il profite entièrement de la marge financière de sa production. Militer, on ne peut plus concrètement, pour les circuits courts.

Gageons que le succès de ces fermes-entreprises, si on y contribue activement, encouragera d'aucuns à se lancer dans d’autres aventures de même nature, pour le plus grand bénéfice de l’économie locale, de l'entretien et la beauté de notre espace rural, et donc de notre bien-vivre au pays.

 


 

Jean-Michel Cabanes

 

troupeau de prim'holstein

troupeau de prim'holstein

montbéliardes en troupeau

montbéliardes en troupeau

normandes à la pâture

normandes à la pâture

la jersiaise et ses yeux de biche

la jersiaise et ses yeux de biche

bien le bonjour de chez les "givrés" : Lune et son regard ravageur, Némésis qui nous fait un grand sourire,  et les "givrés associés" (Laurent, Delphine, Stella et Marc) sans oublier Chips et Cork, leurs border collies, sans lesquels rien ne serait possible.

bien le bonjour de chez les "givrés" : Lune et son regard ravageur, Némésis qui nous fait un grand sourire, et les "givrés associés" (Laurent, Delphine, Stella et Marc) sans oublier Chips et Cork, leurs border collies, sans lesquels rien ne serait possible.

rythmes de prophylaxie et communes en zone à prophylaxie renforcée (ZPR) pour la campagne de dépistage d’octobre 2019 à mai 2020 en France métropolitaine (source ESA)

rythmes de prophylaxie et communes en zone à prophylaxie renforcée (ZPR) pour la campagne de dépistage d’octobre 2019 à mai 2020 en France métropolitaine (source ESA)

par département de France métropolitaine, nombre de foyers déclarés en 2020, par mode de détection, et nombre de foyers déclarés en 2019       (source ESA)

par département de France métropolitaine, nombre de foyers déclarés en 2020, par mode de détection, et nombre de foyers déclarés en 2019 (source ESA)

Tag(s) : #Histoire, #amitié, #environnement, #patrimoine, #économie locale, #éthique
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