“Tout problème a une solution” selon le dicton populaire. Certains de mes anciens collègues professionnels férus d’analyses complexes aimaient à souligner aussi que, de la même façon, "toute solution a un problème”. L’équipe municipale de mon village, Arthez de Béarn, révèle quant à elle ses talents à décider de “fausses solutions qui créent de vrais problèmes”. Dernières en date, celles relatives à l’organisation de la circulation dans le cœur de village.
des solutions …
Mon village, bâti sur une ligne de crête, s’articule autour d’une voie principale qui, à traverser l’hypercentre du village, prend le doux odonyme de la Carrère sur un peu moins de cinq cents mètres de long. La circulation y est celle d’un village de campagne, bien loin de celle des Champs-Elysées …
Un beau jour du mois de mai 2021, le maire considéra que “Comme c’est une demande forte de la population, nous allons tester, durant six mois environ, la mise en sens unique de la Carrère” (cf. article Revitalisation du centre-bourg : les ateliers participatifs vont démarrer du blog Arthezmonvillage.fr). Il faut rappeler ici que, au cours de la même période en 2021, une démarche avait été lancée (cf. ma tribune Fenics et ça repart !) pour identifier, avec la participation de l’ensemble des villageois, un programme d’actions permettant de “revitaliser le village”. C’est donc avant même le lancement des ateliers participatifs, dispositifs clés de la démarche Fenics, que le maire imposa son initiative. Quant à savoir s’il s’agissait d’une “demande forte de la population”, tout est relatif et surtout très subjectif.
La Carrère fut donc mise en sens unique, agrémentée de surcroît d’une limitation de vitesse à 20 km/h. Depuis lors l’expérimentation a été prolongée, et même complétée par un stop en plein milieu d’une descente, à l’endroit où l’on quitte cette voie pour accéder à la Carrère.
… à quel problème ?
Comme ces aménagements de la circulation suscitent une “insatisfaction forte de la population” (ndlr. propos tout autant relatif et subjectif que le constat personnel du maire ci-avant …) parce qu'ils compliquent notoirement la vie des Arthéziens, on peut se demander quel était en réalité le problème que voulait résoudre le maire avec ces seules mesures ?
Revitaliser l’hypercentre du village ?
À l’évidence non, et il est même d’ailleurs difficile de se l’imaginer.
Et puis si telle avait été l’ambition, il eut été préférable, et à tout le moins plus élégant, de laisser les ateliers participatifs Fenics se dérouler et attendre leurs propositions.
Améliorer la sécurité au sein du village ?
Dans cette hypothèse, et en ayant limité la vitesse à 20 km/h, le double sens de circulation ne posait plus de problème en la matière ! Pourquoi donc avoir alors imposé un sens unique ?
La limitation de vitesse auparavant à 30 km/h sur la Carrère n'était en réalité pas respectée dans un grand nombre de cas. Le maire pensait-il qu’en abaissant cette limite à 20 km/h elle le serait davantage ? Évidemment que non. Bien au contraire ! Le croisement des véhicules quand la Carrère était à double sens avait au moins pour bénéfice de faire ralentir les voitures qui se croisaient compte tenu de l’étroitesse de la rue en certains passages.
un code de la route pour du beurre
Si la raison de ces mesures reste opaque, il est clair par contre que cette initiative de l’équipe municipale contribue significativement à alimenter le sentiment de “zone de non-droit” au village.
En effet, la limitation de vitesse à 20 km/h n’est qu’exceptionnellement respectée, le nouveau stop ne convainc pas … et pas plus le sens interdit, parfois bafoué m’a-t-on rapporté.
Les limitations de vitesse à 30 km/h qui jalonnent depuis des décennies la voie principale du village à hauteur notamment des nombreux équipements ralentisseurs ne sont de toutes façons pas davantage respectées, ni les places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite (cf. ma tribune au p'tit village l'incivilité qui rampe), ni les zones d’arrêt interdit le long de la voie principale … à commencer par celle sous la fenêtre même du bureau du maire !
Aussi, et si l’on considère la sécurité sur la route et au village comme non transigible, convient-il d’insister sur la nécessité de mettre en œuvre localement une politique drastique de sensibilisation, contrôle et sanction en matière d’excès de vitesse et autres délits de la circulation (cf. ma tribune chi va piano va sano …). Les responsabilités en la matière sont claires, et en particulier celle du maire. En effet, en tant qu’officier de police judiciaire, le maire, voire ses adjoints, peut verbaliser lui-même les contraventions au code le route. D’autres le font. Et si verbaliser des contraventions n’est pas la plus populaire des attitudes, elle donnera au moins de la consistance aux décisions prises. À défaut de contrôles et de sanctions, autant tout simplement ne pas prendre de telles décisions … ça tombe sous le sens !
le “non-droit” se banalise au village
Comment peut-on analyser les fondements d’une telle banalisation du non-droit au village ? Plutôt que de noyer le poisson en rejetant la faute sur “l’évolution de la société et l’individualisme croissant des concitoyens … bla bla bla, bla bla bla …”, il me paraît autrement plus intéressant de se pencher sur le style de gestion des affaires communales par l’équipe municipale au pouvoir.
Dans un précédent papier (cf. ma tribune une zone de non-droit au village ?), j’avais déjà souligné le manque d’exemplarité de cette équipe qui refusa délibérément de rendre publique la tenue d’un conseil municipal. Dans le contexte de confinement qui prévalait alors, des dispositifs alternatifs à l’assistance physique du public dans la salle du conseil étaient pourtant possibles, comme prévu par la loi, ce que d’aucuns au village avaient réclamé. Hélas, l’équipe municipale préféra passer outre à ces demandes, se mettant illico en situation de non-droit. À titre illustratif de mon propos, le tribunal administratif, à la demande de trois villageois, vient d’invalider les décisions du conseil municipal de leur commune (Bréville-sur-mer, Manche) qui s’était tenu dans un contexte similaire (cf. reportage TF1 Normandie, la hausse d'impôts annulée à cause du covid). Le droit doit évidemment prévaloir en toutes circonstances, une équipe municipale doit le faire savoir et doit montrer l’exemple.
bon sens, vous avez dit bon sens ?
Autre facteur fondamental, le manque manifeste de bon sens de l’équipe en place. Hélas pour notre communauté, les exemples ne manquent pas.
Pour en rester à nos problèmes de circulation, je rejoins ici, en les faisant pleinement miennes, les analyses de certains de mes concitoyens (cf. commentaires sur l’article Un stop controversé pour plus de sécurité du blog Arthezmonvillage.fr) : “... des choses qui n’ont pas de sens se banalisent, et qui amènent les gens à ne plus rien respecter…”, “L’abus de mesures contraignantes me semble aussi contre-productif : il faut que toute obligation soit compréhensible, justifiée et respecte le simple bon sens”. Rien à rajouter, tout est dit.
inconscience ? naïveté ? amateurisme ?
Notre édile en chef reste néanmoins concerné par la sécurité routière, ne manque pas d'idées et le fait savoir.
Ainsi a-t-il décidé d’inverser le sens unique de la rue de la Mairie (cf. article L'expérimentation du sens unique de la Carrère est prolongée du blog Arthezmonvillage.fr). Une rue courte et étroite, qui permet le stationnement en épi sur un de ses côtés, mais dont l'accès des voitures se fera désormais dans un virage d’une voie départementale où, là encore plus qu’ailleurs, la limitation de vitesse reste un vague concept pour beaucoup de camions, engins agricoles et autres voitures qui l'empruntent. Je croise les doigts pour que les situations d’encombrement au début de la rue de la Mairie liées à des manœuvres de stationnement ne provoquent quelque tragédie.
Ailleurs, rue du Bourdalat, il a définitivement retiré des ralentisseurs car ils causaient des nuisances sonores aux riverains. Certes, mais alors on fait quoi ? Car si ces ralentisseurs avaient été installés, c’est bien qu’il y avait un problème de vitesse excessive … ce dont témoigne d’ailleurs le volume des nuisances sonores à franchir les dos d’âne !
Et que dire du “haricot central” prévu initialement avec le fameux stop controversé, mais qui a été abandonné à cause de l’étroitesse de la voie ? On peut surtout se demander comment a-t-on pu s’imaginer un instant qu’il y avait là de la place pour un “haricot central” ???
Vous qui souffrez d'allergie aux obligations du code de la route, vous l’aurez compris, c’est dans mon village que vous vous épanouirez. D'autant que, si un jour quelque autorité se met à verbaliser les contraventions, par exemple une vitesse excessive sur la Carrère, je pense qu’il vous sera alors aisé dans ce cas précis d’en contester le fondement. En effet, à ma connaissance, le panneau circulaire signalisant la vitesse autorisée de 20 km/h sur la Carrère ne respecte pas, et loin s'en faut (!), la dimension minimale réglementaire …
Jean-Michel Cabanes