Je le reconnais volontiers : même en me creusant la tête, je n’arrive toujours pas à saisir pleinement l’intérêt d’un projet de “pôle de santé et bien-être”, dans mon village, Arthez de Béarn, "en lieu et place de l'ancienne poste et de l'ancienne perception". Le maire a beau affirmer, gratuitement comme à son habitude, qu’il existe une "demande forte des Arthéziens", tant que je n’aurai pas vu une présentation claire et argumentée, sa démarche me paraîtra davantage relever d’une conviction propre plutôt que d’une démarche rationnelle. Or, comme disait Nietzsche, “les convictions sont plus dangereuses que les mensonges”.
Mais quels pourraient donc être le périmètre et les atouts d’un tel “pôle santé et de bien-être” ?
offrir de nouveaux services ?
En matière de professionnels de santé, notre commune de 1830 habitants compte à ce jour :
- 4 médecins généralistes,
- 2 équipes d’infirmières, plus un certain nombre d’infirmières indépendantes,
- 2 cabinets de pédicures/podologues,
- 1 cabinet de kinésithérapie,
- 2 ostéopathes,
- 1 pharmacie, qui assure aussi une fonction de relais pour les analyses médicales.
Un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) accueille, dans la limite de ses disponibilités, les anciens ayant besoin de soins et d’aide au quotidien, et une équipe SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) intervient par ailleurs tout au long de l’année auprès de personnes âgées souhaitant demeurer chez elles.
Divers prestataires de service de bien-être viennent compléter ce panorama global, comme par exemple en sophrologie, réflexologie, soins du corps.
Alors que les déserts médicaux fleurissent au plan national, il nous faut donc savourer notre bonheur en matière de santé aujourd’hui ! Cette situation locale privilégiée constitue ainsi un atout de poids pour notre village dans le classement des meilleures communes de France proposé par le site "Ville de rêve".
On peut juste regretter de ne plus avoir de dentiste au village, comme ce fut le cas pendant deux longues périodes depuis les années ‘60. Mais, si jamais un dentiste, ou autre professionnel de santé ou de bien-être, voulait s’installer au village, l'implantation d’un local ad hoc ne devrait pas poser problème.
améliorer / maintenir les services existants ?
Même si la situation présente est réjouissante, il faut néanmoins s’interroger sur les voies de progrès ou son évolution possible.
D’ores et déjà, il arrive que nos médecins généralistes soient les quatre absents en même temps, et pendant plusieurs jours. Quels que soient leurs motifs aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence. Le bon vieux temps (que j’ai connu) pour les patients quand les médecins de village faisaient des journées à rallonge pour soigner jusqu’au dernier patient présent, et se réservaient le dimanche pour se reposer, est fini depuis longtemps. Aujourd’hui, rares sont encore les médecins qui reçoivent sans rendez-vous qu'il faut prendre au téléphone ou sur doctolib. C’est une tendance sociétale de fond. Les médecins aspirent, comme tout un chacun, à se ménager des plages horaires de travail équilibrées et des espaces de temps libre. C’est bien normal.
Face à cette évolution des modes de vie, il nous faut alors nous interroger avec nos médecins sur les solutions permettant de pérenniser leur présence au village et leur continuité de service, en vue de définir le support que la commune pourrait leur apporter si besoin.
Mais, il ne faut pas se tromper. Si les solutions sont multiples, c’est d’abord aux médecins eux-mêmes de s’entendre entre eux. À titre illustratif, un rapide éventail de solutions envisageables :
- solution “de base” :
- les médecins se coordonnent davantage pour mieux gérer leurs absences et optimiser la continuité de service (nb. la permanence à tour de rôle du samedi matin s’inscrit déjà dans ce schéma) ;
- les médecins reçoivent leurs patients dans leur propre cabinet, comme aujourd'hui.
- solution “réseau” :
- les médecins se coordonnent davantage pour mieux gérer leurs absences et optimiser la continuité de service ;
- le patient prend rendez-vous par téléphone (portail téléphonique commun aux médecins du village géré par un prestataire de service) ou par internet via doctolib ;
- les médecins reçoivent tout patient sur rendez-vous et dans leur propre cabinet ;
- si le médecin qui le reçoit n’est pas le médecin traitant habituel du patient, il suffit que celui-ci donne accès à son dossier médical sur internet au médecin ;
- les médecins tiennent correctement à jour sur internet le dossier “mon espace santé” de chaque patient reçu.
- solution “pôle médical” :
- les médecins se coordonnent davantage pour mieux gérer leurs absences et optimiser la continuité de service ;
- un cabinet médical mutualisé réunit les différents médecins du village ;
- en complément de doctolib, une secrétaire médicale assure la prise de rendez-vous, tout comme le suivi médical des dossiers si nécessaire ;
- les médecins reçoivent tout patient ;
- si le médecin qui le reçoit n’est pas le médecin traitant habituel du patient, il suffit que celui-ci donne accès à son dossier médical sur internet au médecin ;
- les médecins tiennent correctement à jour sur internet le dossier “mon espace santé” de chaque patient reçu.
Dans tous les cas de figure, une solide coordination entre médecins est de toute façon nécessaire pour assurer la continuité de service. L'existence éventuelle d'une structure mutualisée, de type pôle médical, ne constitue pas un avantage distinctif à cet égard !
Pour ce qui concerne les autres professionnels de santé, je ne vois pas de problème particulier. Au contraire, je loue l’organisation de l’équipe d’infirmières que j’ai sollicitée continûment pendant de longues années : un numéro de téléphone unique, une prise de rendez-vous rapide, un service ponctuel avec l’infirmière de service le jour du rendez-vous. Cette qualité de service implique bien entendu en arrière-plan un travail de partage de dossiers et passage de consignes au sein de leur équipe tout à fait remarquable et rendu possible par une utilisation habile d'outils de bureautique et de communication numérique. Bravo les filles pour cette efficacité organisationnelle qui s'accorde à merveille avec votre haut degré de professionnalisme et votre tendre bienveillance ! Preuve est faite qu’une simple solution de type “réseau” peut fonctionner à la plus grande satisfaction des patients. Je ne vois vraiment pas d’ailleurs ce qu’apporterait ici une solution “pôle médical” pour nos équipes d'infirmières, sauf peut-être malheureusement à réduire l’agilité de ces équipes.
le “pôle” …
Créer un “pôle santé et de bien-être” au village me paraît totalement démesuré comme projet s’il s’agit d’y regrouper, comme son libellé l’amène à penser, l’ensemble ou plusieurs des professionnels de santé et bien-être. Tout au plus un pôle médical regroupant les médecins généralistes pourrait-il avoir du sens, sachant cependant qu’il existe bien d’autres solutions non structurelles tout aussi efficaces. Mais il faut tout simplement en discuter et en convenir avec ces professionnels-là, ce qui ne semble pas être la démarche du maire selon les propos tenus en réunions du conseil municipal. On ne peut que le regretter, mais malheureusement on n’en est plus surpris …
En tout état de cause, créer un pôle qui inclurait d’autres professionnels de “santé et bien-être” que les médecins relèverait à mon avis du non-sens. En effet, saturer l’espace disponible dans les bâtiments des anciennes poste et perception, comme semble l'imaginer notre édile, conduirait de facto à désertifier encore davantage la Carrère, notre rue principale où se trouvent aujourd’hui les locaux de ces professionnels. Pire encore si, pour réunir tout ce beau monde, il fallait construire un nouveau bâtiment en dehors du centre bourg !
Encore une fois, et comme je l’avais déjà pointé en septembre 2022 (lire mon article en cliquant sur le lien suivant : à quand le bon sens ?), notre maire réfléchit "solution" avant d'analyser sérieusement le "problème". En fait, après cinq ans de mandature, et toujours pas de réalisation significative, serait-il pris d’une soudaine envie de faire feu de tout bois à moindre frais ?
Pour avancer sur de vrais projets dans l’intérêt de notre communauté, on ne peut que lui recommander de mieux travailler en équipe au sein du conseil municipal, comme plusieurs conseillers, y compris de sa propre liste, lui ont déjà fait reproche. Mais le temps passe…
Jean-Michel Cabanes